L'oeuvre Vision après le Sermon (La Lutte de Jacob avec l'Ange), a été peinte à Pont-Aven en 1888. Elle marque un tournant décisif dans la carrière de Paul Gauguin. Cette œuvre emblématique du synthétisme et du cloisonnisme représente des paysannes bretonnes en prière, assistant à une vision mystique : la lutte de Jacob avec l’ange, inspirée du récit biblique de la Genèse (32:22-31).
La composition est divisée par un tronc d’arbre diagonal, séparant le monde réel des fidèles du monde spirituel de la vision. Les couleurs vives et les formes simplifiées témoignent de l’influence des estampes japonaises et de la volonté de Gauguin de s’éloigner de l’impressionnisme pour exprimer des émotions et des idées profondes.
Gauguin s’éloigne ici de la représentation naturaliste pour plonger dans le symbolisme. Le rouge intense du sol, inhabituel pour une scène terrestre, évoque le caractère surnaturel de la vision. Les paysannes bretonnes, en habits traditionnels, incarnent la foi simple et profonde, tandis que la scène biblique suggère une lutte intérieure, une quête spirituelle. L’influence des estampes japonaises se manifeste dans la composition aplatie et les contours marqués, caractéristiques du cloisonnisme.
À la fin du XIXe siècle, de nombreux artistes cherchent à renouveler l’art en s’inspirant de sources non occidentales. Gauguin, en particulier, est fasciné par la Bretagne, qu’il considère comme un lieu préservé des influences modernes. C’est dans ce contexte qu’il peint « Vision après le Sermon », une œuvre qui rompt avec l’impressionnisme et ouvre la voie au symbolisme et à l’art moderne.
Dans une lettre à Vincent van Gogh, Gauguin décrit ainsi son œuvre :
« Je viens de faire un tableau religieux très mal fait mais qui m’a intéressé à faire et qui me plaît. Je voulais le donner à l’église de Pont-Aven. Naturellement on n’en veut pas. Je crois avoir atteint dans les figures une grande simplicité rustique et superstitieuse. »